mercredi 27 mars 2024


Visite

(Hendaye, 26 mars, 18h 15)

La mer a l’œil noir.

Un cumulonimbus menace.

Loin, très loin.

Ce sera pour les hommes de pleine mer.

Quatre nuages plats rodent

Comme des soucoupes volantes.

Viendront-il un jour nous rendre visite

D’au-delà des mers, d’au delà de la terre

Ceux que nous représentons souvent de façon extravagante,

Grosse tête, grands yeux, doigts en spatule?

Existent-ils? À quoi ressemblent-ils?

Que diraient-ils de ces portraits fantasmés?

Que diraient-ils de nous? 

mardi 26 mars 2024


Chanson de marin

(Hendaye, 24 mars, 23h 12)

Sous une lune pleine enrobée de coton, un père berce son enfant. Il chante une chanson de marin. Une chanson qui dit les mères qui attendent, qui dit l’absence quand l’enfant tombe, qui dit la tempête et le soleil qui se lève sur l’océan assagi, qui dit le sel corrosif et l’amour qui résiste, qui dit la solitude et la fraternité. Les bras puissants du père sont la coque d’un navire. La mer est calme. L’enfant s’endort. La voix du père devient murmure, léger clapot contre les flancs du bateau. Il dépose l’enfant dans son lit, le borde, puis se retire sur la pointe des pieds.

Demain, il partira à l’aube. 

lundi 25 mars 2024


Couleurs

(Hendaye, 24 mars, 19h)

Au sortir de l’hiver

Un fort désir de couleurs 

dimanche 24 mars 2024


Miniatures éphémères

(Vaucresson, 22 mars, 9h 55)

Printemps suspendu 

samedi 23 mars 2024


Sur le parking désert de la gare de Limoges


(Limoges,  Haute-Vienne,12h 55)


Sur le  parking  désert de la gare de  Limoges un gars qui a bu parle à une pendule.

Il dit que c’est trop tard, il aurait pas du, c’est comme ça, ce qui est fait est fait, faut bien qu’il y en ait des comme lui, des qui ont la chance planquée au fond d’un trou, qui tiendront jamais debout quand il fait beau, des qui ont la langue accrochée à l’enfance, écorchée à l’enfance, qui ont les oreilles qui bourdonnent, des qui reniflent, et  qui ont le cœur jamais à l’heure. Faut bien qu’il y en ait pour dire aux mômes faut pas virer pareil, pour que celui qui est bien coiffé se dise comme ça va bien, faut bien qu’il y en ait pour les bonnes sœurs, pour les bon cœurs, pour les bavards, faut bien qu’il y en ait. C’est comme ça, c’est pas si pire, on est pareil toi et moi, on fait tic tac, on se répète, on sonne, on claironne et on nous regarde, de loin. On est à notre place.

 

vendredi 22 mars 2024


Fricassée d'escargots

(Vaucresson, 9h 45)

Un bouquet sur la table serait du plus belle effet.

Il est descendu au jardin cueillir des jonquilles pour ses invités.

Mais les escargots ont bouffé toutes les fleurs.

Alors il a ramassé les escargots.

Une fricassée d’escargots en persillade sera du plus belle effet. 

jeudi 21 mars 2024


Un vieil arbre noueux

(Arboretum de Chèvreloup, 15h 45)

Nous allons à Chèvreloup voir le vieux cerisier du japon en fleurs.

Nous allons à Chèvreloup comme à Hendaye  nous allons au bout de la digue, comme à Travaillan nous allons à l’Aygues, comme à Saint-Laurent-du-Maroni nous allons au débarcadère.

Nous allons vérifier l’état du monde, nous allons nous confier, nous allons éprouver notre amour aux branches fleuries, aux eaux vives, au soleil couchant.

Aujourd’hui à Chèvreloup le vieux cerisier croule sous les fleurs blanches. C’est la star du parc, on s’attroupe autour de lui, on le photographie, on irait presque lui demander un autographe tandis qu’il vous prend dans ses bras.

Alors nous nous éloignons, nous préférons la seule compagnie des arbres. Nous allons dans l’herbe spongieuse, il a tant plu ces derniers jours, nous allons vers des bosquets délaissés, les repères des bêtes et les nids à insectes.

Nous découvrons là un vieil arbre noueux, un géant hirsute avec l’humanité accrochée à son pied.Il semble avoir tout vu, tout entendu. Il nous regarde. Nous prenons notre temps. La beauté est là, dans ses branches cassées et son écorce boursoufflée. 

mercredi 20 mars 2024


Le grand arbre de la cour du Musée de la Vie Romantique

(Paris 9ième, 16 mars, 20h)

Cet hiver, le grand arbre de la cour du musée de la Vie Romantique a été élagué, son feuillage sera plus discret.

Aujourd’hui, c’est le printemps. Il fait nuit, le musée est fermé. Caroline a vu Jean fermer les portes et s’en aller. Il reviendra demain. Le musée ouvre à 10h. Juste avant d’éteindre la lumière, Caroline regarde la cour pavée où vont et viennent les ombres des amours d’antan.

Aux beaux jours, Georges Sand, Chopin, Sarah Bernard, Lamartine, Ary Scheffer, et bien d’autres sortiront la nuit réveiller leurs passions.

Cet été, Caroline sera aux premières loges. 

mardi 19 mars 2024


Une joyeuse conversation

(Forêt de Rambouillet, 17 février, 14h 50)

Au bord de l’étang l'ermite converse

Avec sa figure brouillée dans les nuages

Des poissons  volent de branche en branche

Des oiseaux et des avions  se croisent au fond de l’eau

lundi 18 mars 2024


Laisse venir la nuit

Une histoire d'Arthur et le Vieux 

(Dicy, Yonne, 10 mars, 19h 25)

Arthur et le Vieux sont montés sur la colline regarder se coucher le soleil.

Le ciel est clair, frangé de gris au nord tandis que du sud s’avance à fleur d’horizon un long et fin nuage noir.

Le soleil roule sur sur cette bande, se faufile derrière, et réapparait, cercle parfait entre le nuage et la terre.

Arthur tient fort la main du Vieux. Il voudrait saisir ce ballon rouge coincé une seconde à peine comme dans le bec d’un oiseau. Il n’en a jamais vu d’aussi gros, d’aussi beau. Et les ballons, ça le connait. On le croirait né avec un ballon dans les bras. Il me semblait bien qu’on jouait à la balle dans mon ventre, disait sa mère en riant, chaque matin ça shootait et dribblait en dedans.

Aux premier pas il tirait juste aussi bien du pied droit que du pied gauche. Foot, basket, rugby, buts, paniers ou poteaux, il passait des heures au terrain communal, il ne lâchait pas les grands d’une semelle. À trois ans il s’était déjà fait un nom.

Le nuage s’effiloche, l’oiseau relâche son étreinte, le ballon tombe et la terre sombre l’avale.

Le Vieux sent la main d’Arthur serrer un peu plus fort, un serrement de chagrin qu’on ne veut pas montrer, quand il ne reste dans le ciel que la trace rouge du désir du plus beau ballon du monde.

Alors le Vieux parle.

Laisse filer le soleil Arthur, il reviendra demain. Laisse venir la nuit, la nuit et ses trésors. Les arbres qui dansent, la chouette qui appelle et le chevreuil qui aboie. Tu entends les herbes qui bruissent? C’est la peur qui s’enfuie. Sens nos mains l’une dans l’autre comme elle se réchauffent. Regarde là haut, l’étoile polaire, c’est la première. Les autres vont venir, sans bruit, une à une. Puis ce sera  la grande ourse, le dragon, le petit lion… D’autres constellations à inventer dans un ciel bleu nuit bien plus grand que tous les terrains de foot du monde réunis.

Ecoute la terre qui frissonne et le ciel qui veille en silence. Vois la lune qui ce soir se repose sur le dos, la lune qui ne s’en fait pas, grosse une nuit, si fine une autre nuit. Regarde comme on est si petit et si grand en même temps, les pieds dans l’herbe humide qui chatouille, les cheveux qui s’accrochent aux étoiles.

Arthur regarde le Vieux. Il aime bien écouter le Vieux. Mais bon, peut-être qu’il faudrait se taire pour entendre la terre frémir. Et le Vieux il n’a plus beaucoup de cheveux pour s’accrocher aux étoiles, alors que lui il en a plein.

dimanche 17 mars 2024

samedi 16 mars 2024


Un clown

(Forêt communale de Saint-Roman-de-Malegarde, 13 mars, 16h 45)

Il avait un air patibulaire, le nez rouge, la casquette en arrière, une casquette Ricard, jaune et crasseuse, le fusil à l’épaule. Il m’a fait: Chut… Regarde le lièvre, là-bas, sous l’arbre mort, il sait que je fais semblant… Le fusil, c’est pour le look, comme la casquette… les Lapins et les oiseaux, ils le savent… Il n’est même pas chargé. J’aime bien le tenir, c’est tout. Tiens, essaye, prend le, comme ça,  fronce les sourcils, oui, c’est bien, t’as l’air d’un dur, mais c’est que pour les autres au village, les bêtes, elles, elles savent bien…

Les pins bruissaient dans le vent, ça sentait le thym et l’homme souriait, un drôle de sourire avec des dents en moins et un œil qui papillonne.

Il a rajouté: Je suis clown, ne le répète à personne… 

vendredi 15 mars 2024


Printemps précoce

(Piéride du navet sur la Crépide de Nîme, Travaillan, 13 mars, 12h 45)

Printemps précoce

Deux Piérides intrépides

Copulent sur la Crépide 

jeudi 14 mars 2024


Peau de zèbre

(Camaret-sur-Aigues, 18h 55)

L’air embaume de la Fausse Roquette qui blanchit les vignes.

Sophie, 15 ans, file sur son vélo route des Grands Prés.

Toutes ces fleurs blanches entre les lignes noires de la vigne, ce doit être beau de là haut, une peau de zèbre.

Elle accélère. S’en aller avec Aldo sur le dos d’un zèbre. 

Ce sera pour un autre jour. Elle a les joues en feu. Il faut qu’elle rentre avant la nuit. 

Son père n’est ni un poète ni un rigolo. 

mercredi 13 mars 2024


Ex fan des sixties

Petite baby doll...

(Forêt communale de Saint-Roman-de-Malegarde, Vaucluse, 18h)

Dans un ravin

Une DS enroulée autour d’un pin

Tôle rouillée prise dans le bois

Incrustée dans l’écorce

Une chanson de Serge Gainsbourg*


(Ex fan des sixties, chanson de Jane Birkin, Paroles et musique Serge Gainsbourg)

mardi 12 mars 2024


D'autres vies...

(Sur la D 989, Le Donjon, Allier, 11mars, 11h 40)

La pente était douce sous l’orage, je courais après les nuages.

Un contrebandier de passage planqué sous un arbre m’a proposé d’autres vies que la mienne.

Je lui ai dit non merci la mienne me convient. 

Les nuages avaient pris de l’avance, je les ai laissé filer et suis reparti dans l’autre sens. 

lundi 11 mars 2024


Estampe

(Route de Courboissy, Prunoy, Yonne, 8h 10)


Je vois les morts aussi bien que les vivants.

Comment les distingues-tu?

Les morts n’ont pas de pied.


Jean-François me rapporte ce dialogue avec l’un de ses amis. Nous évoquons les autres mondes. 

Dans les estampes japonaises les morts sont représentés sans pied, me dit-il.

Jean-François m’a accueilli hier soir. Nous avons beaucoup parlé, la conversation reprend au petit matin. Elle pourrait durer des jours, mais je dois partir. Reprendre la route. Pour retrouver Sophie. Pour les derniers adieux à sa maman.

Au croisement des routes de Dicy et de Courboissy, je vois ce héron émerger des brumes. Je ne vois pas ses pattes. Est-il mort ou vivant? Je m’arrête. J’attends. Il ne bouge pas. Immobile, absolument immobile. L’air est frais. D’autres oiseaux chantent. J’attends. Longtemps. Est-il mort? Il avance de quelques pas dans l’herbe tendre. Je ne vois toujours pas ses pattes. 

Soudain, il ouvre grand ses ailes et s’envole majestueusement. 

À cet instant, je vois ses pattes. Il est bien vivant!


 

dimanche 10 mars 2024


Miniatures éphémères

(Camaret-sur-Aigues, 7 mars, 16h 20)

Vigne sauvage 

samedi 9 mars 2024


La promenade de l'Aigues

(Camaret-sur-Aigues, 7 mars, 11h 45)

Derrière la maison de la vieille dame chahutée, il y a le champ. Au bout du champ il y a l’Alcyon, un ruisseau que l’on traverse à pied en été. Après l’Alcyon il y a un autre champ, et puis le chemin du Badafier qui mène à l’Aigues. 

C’était la promenade de la vieille dame et de son mari, celle des enfants et des petits enfants.

Quand il y a trop d’eau dans l’Alcyon, il faut rejoindre le chemin du Badafier par la route, où les voitures passent en trombe devant la maison, puis le chemin des Grands Prés.

On va à l’Aigues pour voir le niveau de l’eau. Autrefois on y canotait aux beaux jours, on s’y baignait. Maintenant les étés trop chauds boivent toute l’eau.

On y va pour ramasser des cailloux et des bois morts, on y va chercher de quoi nourrir les contes pour les gamins. Il y a le géant hirsute, la terre gourmande, la flaques bavarde, le galet rieur  et le grand mille-pattes qui cueille les souvenirs. On y va cueillir du roseau pour les flutes que taillait la vieille dame.

Cet hiver, l’eau est haute. les pieds s’enfoncent dans la terre détrempée. Les traces de bêtes y sont nombreuses. 

Les couleurs sont douces sur les bords de l’Aigues. La vieille dame s’en est allée, quelques mois après son mari. 

Il va falloir vider la maison, la fermer puis la vendre.

Les arrières petits enfants ne se souviendront pas du bout du champ, du chemin du Badafier et de l’Aigues qui s’amuse à faire et défaire son lit.

Il faudra leur raconter. 

vendredi 8 mars 2024


La punaise au miroir

(Halyomorpha halys, Punaise diabolique ou Punaise marbré, Vaucresson, 22 février, 22h 35)

Une punaise diabolique sur le miroir rit de se voir si belle. Et elle ne voit que son ventre.

Son dos est bien plus beau. J’aime ces  insectes qui ne rencontrent guère de sympathie parmi nous. Dans le très beau  film d’animation de Neil Boyle et Kirk Hendry, Le Royaume de Kensuké,

le seul insecte que l’on voit dans l’île sauvage du soldat Kensuké, est une punaise, une punaise verte, punaise des bois. On la voit  sur une feuille par temps d’orage protéger ses œufs sous ses ailes.

Quelques punaises diaboliques ont du trouver un recoin chaleureux chez nous. J’en retrouve de temps en temps accrochées aux rideaux ou sur le bord des fenêtres. Je les attrape délicatement et les rends au jardin.

J’attends un long moment que la punaise au miroir ait fini de rire et de s’admirer avant de la saisir et d’ouvrir la fenêtre. 

jeudi 7 mars 2024


Pogo

(Camaret-sur-Aigues, 16h 30)

Au bord des rivières

Sont enterrés debout des géants punks

Les bouquets de cannes sont leurs cheveux dressés

Ils retiennent les berges et abritent des lièvres sur leurs têtes

Quand ils remuent la terre tremble et craque

Au solstice  d’hiver ils sortent de terre

Pour un gigantesque pogo qui fait déborder les rivières 

mercredi 6 mars 2024


Une demande en mariage


(Travaillan, 15h 50)


Blanche aimait tant les amandiers

Justin avait dit: Je ferai ma demande en mariage quand les amandiers seront en fleurs.

Les amandiers avaient fleuri trop tôt, trop vite, Justin avait hésité, maintenant les amandiers étaient verts, la demande de Justin restait au fond de sa gorge.

Alors Justin a dit: je ferai ma demande quand les pêchers seront en fleurs.

Il s’est installé au verger pour ne pas rater l’éclosion. 

Aux premières fleurs il a sorti sont sécateur.

Puis il s’est dit: Plutôt que de couper la branche et d’aller chez Blanche, il irait chercher Blanche  pour se confesser sous le pêcher.

Encore fallait-il qu’elle aime  autant les pêchers que les amandiers…

mardi 5 mars 2024


Un vent fort soufflera demain

Pour Françoise 

(Rochegude, Drôme, 18h 30)

Il neige sur le Mont Ventoux et les pêchers fleurissent.

Le ciel est rouge, un vent fort soufflera demain.

Il emportera la vieille dame à la mémoire chahutée.

Au premier de l’an elle chantait avec son arrière petit fils:

L’autre jour l’idée m’est venue 

D’aller faire caca dans la rue

Le vent soufflait avec violence 

Voilà ma petite crotte qui se balance

Ah mon dieu que c’est embêtant 

De faire caca quand il fait du vent

Quand un mot, une idée, un souvenir lui faisait défaut

sa main s’avançait avec grâce  comme on écarte un voile.

Hier, légère comme une plume, elle n’avait plus la force de s’extasier des mésanges à la fenêtre.

Elle chantait si bas que seules ses filles qui connaissaient les chansons depuis si longtemps l’entendaient.

Ses lèvres ne s’ouvriront plus, ses mains sont immobiles.

Il neige sur le Mont Ventoux, les pêchers fleurissent, le ciel est rouge.

Un vent fort soufflera demain.

lundi 4 mars 2024


Rue du Charolais

(Paris, 12 ième, 3 mars, 19h 10)

Elle revient dans son quartier

Elle ne se souvient plus très bien

La fenêtre de la cuisine était carrée

Il y avait un mur en bas, des rails après et le ciel en haut

La nuit on entendait grincer les trains

Elle s’est réveillée un matin avec un gars dans son lit qu’est toujours là 45 ans plus tard

Lui non plus il ne souvient plus très bien

Si, le mur, et les trains qui freinent

Il ne venait que la nuit, des nuits éveillées

À s’aimer en écoutant les trains aller et venir

Le mur a disparu, il y a plein de nouveaux immeubles, le ciel est un peu plus loin

Les ateliers de réparation de locomotives sont encore là, 

à moitié, de guingois, pour pas longtemps

C’est joli comme ça, de guingois dans le couchant

C’est comme la vie, ça bouge, ça tombe, ça remonte,  ça s’effrite, ça se remet

Mais ça prends toujours la lumière quand il ne pleut pas 

dimanche 3 mars 2024


Miniatures éphémères

(Forêt de Rambouillet, 15 février, 11h 45)

Par les bois 

samedi 2 mars 2024


Les cabanes de Bérou-la-Mulotière

(Bérou-La-Mulotière, Eure-et-Loir, 14 décembre 2023,12h 20)

Il ne faisait pas bien beau à Bérou-la-Mulotière.

La campagne était déserte, les bois en friche, au bords des étangs les cabanes à l’abandon.

Des jours et des jours que Luc et Gédéon traversaient des territoires où il n’étaient pas les bienvenus. Des territoires rétrécis comme des lèvres pincées, où même les enfants ne saluaient plus les étrangers. Il n’y avait guère que les chiens pour les renifler.

Il ne faisait pas bien beau à Bérou-la-Mulotière. 

La pancarte était trouée de chevrotines, les maisons vides, seuls quelques chevreuil et sangliers dans les rues défoncées. Le village avait un air de chien battu abandonné au bord de la route.

Un village à adopter, se sont dit Luc et Gédéon. 

Ils avaient toujours rêvé de ne plus bouger, et de pêcher de leur fenêtre. Ils commencèrent donc par les cabanes de pêcheur. Poser deux fauteuils, et tout remonter autour, toits et murs, pour faire face aux incessantes pluies.

Il ne faisait pas bien beau à Bérou-la-Mulotière.

Mais on entendait maintenant chanter Luc et Gédéon qui glanaient tuiles et planches. 

vendredi 1 mars 2024


Bois mort

(Forêt de Rambouillet, 17 février, 14h 10)

Le regard s’accroche au bois mort

Comme le vêtement s’accroche aux ronces 

jeudi 29 février 2024


Un air de printemps 

(Arboretum de Chèvreloup, 20 février, 10h 35)

Le brouillard ne résiste pas aux amoureux

mercredi 28 février 2024


Broussin

(Le Faune et le Chêne, suite, post du 13 février 2021) 

(Forêt de Rambouillet, 15 février, 15h 20)

Je suis revenu tâter le ventre de l’arbre engrossé par un faune .

Trois ans déjà que j’ai découvert cette étrange idylle. 

Le ventre s’est élargi et palpite toujours.

La gestation est longue. 

À moins que le monstre à naître refuse de rejoindre un monde dans lequel il pressent qu’il ne  sera pas le bienvenu.

mardi 27 février 2024


L'Homme Tortue

(Une histoire d'Arthur et le Vieux)

(Forêt de Rambouillet, 15 février, 13h 55)

(Un petit coin de forêt que j’aime bien, posts du 8 octobre 2021 et du 17 février 2021)



C’est un mois de février printanier. Arthur et le Vieux vont sur les sentiers sablonneux de Rambouillet précédés de nombreux papillons jaunes.

Ils s’arrêtent devant la cabane verte prise dans les pins, en bas de la Route du Chêne du Renard, juste avant Les Hayes.

La porte et les volets sont fermés. Le Vieux appelle. Personne ne répond.


Personne, dit le Vieux, il a du aller faire un tour.

Qui?

Mon ami, c’est sa maison.

Comment il s’appelle?

Je ne sais pas, je l’ai toujours appelé L’Homme Tortue. Je passais un jour par là, lorsque je l’ai vu me faire signe du pas de sa porte. Il tenait un stylo et un carnet. Il voulait m’échanger un peu d’encre contre une histoire ou deux, son stylo était sec. Ça tombait bien, j’ai toujours sur moi de quoi écrire. Je lui ai donné mon stylo, un stylo bic quatre couleurs. Il m’a dit chouette je vais aussi pouvoir dessiner. Voici son histoire, la première qu’il m’a racontée:


C’était un brave et gros homme tortue qui allait partout sa cabane sur le dos.

Il fit halte un jour de printemps dans une clairière plantée de jeunes pins.

Il posa sa bicoque et parla aux arbres nouveaux.

Cet homme tortue avait déjà beaucoup voyagé. Il était très bavard.

Il parla si longtemps qu’il ne vit pas passer le temps et grandir les arbres.

Quand il se tut, une haute futaie encerclait l’homme et sa maison.

Impossible de se faufiler entre les troncs, son lourd bagage sur le dos.

C’était un signe, il était temps de s’établir.

Il choisit de rester et surtout de noter tout ce qu’il avait  dit.


Voilà, Arthur, l’histoire de mon ami. Je viens parfois ici lui échanger de l’encre contre de nouvelles histoires. Aujourd’hui il n’est pas là, il est sans doute aller courir après les papillons.

Et aujourd’hui t’as un stylo?

Oui

Tu peux me le donner?

Bien sûr, mais ce n’est pas un quatre couleurs, c’est un noir.

C’est bien aussi. Tu me le donnes?

Tiens Arthur.


Arthur prend le stylo, le met précautionneusement au fond  de sa poche. Il compte bien le garder et repasser par ici, tout seul.